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Données fleuries #1

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Données fleuries #1

S’il est une application typique de ce que le datajournalisme et la palette de métiers qui gravitent autour de cette nouvelle pratique peuvent apporter concrètement au quotidien, et notamment au coeur des médias, c’est sans aucun doute ce superbe objet réalisé par France Télévisions : Prix de l’immobilier.

Grâce à des données fournies par la Chambre des notaires et le site « Meilleurs Taux », l’application permet – à revenu constant et sans tenir compte d’un éventuel apport de l’acheteur – de révéler la superficie que vous auriez pu acquérir sur deux années différentes dans une même commune, et donc, comme l’annonce son titre, de calculer l’évolution de votre pouvoir d’achat.

Quelle superficie pouvait-on acheter en 2000 avec le salaire médian de 2012 ?

Quelle superficie pouvait-on acheter à Montpellier en 2000 avec le salaire médian de 2012 ?

L’interface est épurée et laisse la place à l’information sans tourner autour du pot. La restitution de la donnée est rapide et propre (imaginez que vous deviez aller chercher ces chiffres vous-même, à la main, dans les bases de données de la Chambre des notaires, ça vous donne une idée de l’efficacité de l’application). On regrettera juste la profondeur insuffisante de ladite base de données pour en faire une réelle « killer-app » : aucune commune en Corse ou en France-Comté et seulement deux en Normandie, c’est sans doute temporaire mais un brin frustrant.

Le résultat final, toutefois, est vraiment une jolie réussite, et un vrai travail d’équipe : une journaliste (Violaine Jaussent), un développeur (Julien Léger), une graphiste et un chef de projet – « pas forcément à temps plein » nous révèle-t-on en interne – sur une idée originale pour laquelle il a fallu trouver le partenaire « data » approprié.

L’effet WOW

Dans un tout autre registre, du vrai « data blooming » qui en met plein les yeux, ce sont deux monstres de la représentation de la donnée qui sont offerts à l’appréciation de tous les amateurs du genre.

La première oeuvre (via), commanditée par le musée d’Art moderne de New York (MoMA) et développée par l’agence Second Story – dont on découvrira avec plaisir un autre site dédié à ce seul projet – est le site évènementiel de l’exposition Inventing Abstraction qui célèbre le centenaire de l’apparition de ce courant artistique hors du commun, pour lequel on connait principalement le travail de Vassily Kandinsky ou Piet Mondrian. Derrière ces personnalités majeures, ce sont en fait un grand nombre de pratiques liées à l’abstrait et par conséquent une multitude d’artistes qui se sont exprimés et s’expriment encore à ce jour : peinture, sculpture, photographie, cinéma, danse ou littérature, mues par une même volonté de participer à l’un des mouvements majeurs du 20e siècle.

Diagramme des relations artistiques de Claude Debussy (détail).

Diagramme des relations artistiques de Claude Debussy (détail).

L’objet du site est justement de tracer des lignes entre ces nombreux artistes afin de comprendre à quel point « l’abstraction n’est pas l’inspiration d’un génie solitaire mais le produit d’un réseau pensant ». Le diagramme, qui affiche les connexions principales entre les artistes « vedettes » de l’exposition et ceux qui « ont joué un rôle significatif dans le développement d’un nouveau langage moderne pour l’art », ouvre également une porte vers des fiches sobres et éclairantes sur ces personnalités un peu hors-norme.

***

Le deuxième objet « WOW » est l’oeuvre de Periscopic, une agence sise à Portland, remplie de jeunes talents portés par la charmante devise : « faire le bien avec la donnée », et animés par la volonté d’impliquer le grand public dans la responsabilisation et l’action dans les domaines de justice sociale ou de politique à travers la « dataviz ».

Leur dernière visualisation, US Guns Murders in 2010, scénarise des données du FBI et de l’Organisation mondiale de la Santé en recoupant les rapports détaillés de la police sur les homicides perpétrés aux Etats-Unis avec les principales causes de la mort à différents âges de la vie. Cette scénarisation articulée autour de probabilité de durée de vie offre la fonctionnalité centrale de ce magnifique projet de recoupement, au design par ailleurs très réussi : combien d’années de vie ont été « volées » par ces assassinats – en l’occurrence, plus de 400 000 années pour 2010 à partir de ces projections.

S'il n'avait pas été assassiné par son père à l'âge de 7 ans, cet enfant blanc aurait sans doute vécu jusqu'à l'âge de 70 ans, emporté par une tumeur.

S’il n’avait pas été assassiné à l’âge de 7 ans, il aurait sans doute été emporté par une tumeur à 70 ans.

On lira également leur billet de blog qui partage les différentes observations effectuées à partir de leur travail principal, notamment sur l’exploitation et la lecture des données disponibles (genre, ethnie, âge, région, type d’arme) et on ne manquera pas d’apprécier sur ce même sujet l’angle choisi par Jérôme Cukier, qui a grandement contribué à la récolte des données pour Periscopic.

Open Truc

Comme souvent, les projets les plus simples et les plus efficaces en rapport avec l’ouverture des données publiques et leur application concrète au quotidien viennent du « Guardian ». Dans cette application Car, bike, train, or walk: how people get to work mapped, l’équipe de Simon Rogers s’est emparée d’un énorme jeu de données fourni par l’Institut des statistiques britannique concernant le marché du travail (Nomis) et s’est mise en tête de cartographier les modes de transport des travailleurs dans sept des plus grandes villes d’Angleterre et du Pays de Galles. Et ce, comme très souvent au « Guardian », avec Google Fusion.

Kensington, Chelsea et Westminster, d'où il fait bon travailler chez soi.

Kensington, Chelsea et Westminster, d’où il fait bon travailler chez soi.

La principale attraction ici est politique. Par exemple, la carte met en valeur la pauvreté de l’usage du vélo (1,9% au global) – liée, sans aucun doute, à la carence en infrastructures appropriées – ou permet en un coup d’oeil d’apprécier à quel point la géographie ou les infrastructures peuvent influencer le choix des gens pour se loger. Lorsqu’il s’agit d’un choix.

Vieilleries

Quelques jolis objets sont passés dans le radar récemment et méritent sans doute de figurer ici – même s’ils commencent un peu à dater :

  • « De quoi les New-Yorkers se plaignent-ils ? » (original, via) est une infographie toute bête, typiquement « Open Data » (réalisée avec celui de la ville de New York) : à partir de deux années de plaintes enregistrées au 311 (en gros, le point de contact avec les autorités pour les affaires « non urgentes »), l’auteur a dressé une cartographie des zones marquées par le bruit (en vert), les graffiti (rouge) et les ordures (bleu).
  • « Les prénoms les plus empoisonnés de l’histoire des Etats-Unis » (original, via), revisite – avec l’aide d’un bon gros scraping des familles et du logiciel R – un travail effectué en 2003 sur la dépréciation des prénoms donnés à la naissance depuis plus d’un siècle.
  • « Infographie des maladies cardiovasculaires » (original, via) met en image différentes statistiques de santé publique sur ces pathologies qui sont responsables de plus d’un tiers des décès outre-Atlantique. Le graphisme est léché et rappelle celui des encyclopédies, l’information y est complète et sourcée, l’ensemble est clair.
  • « Le puzzle de Mercator » (carte-jeu, via) est l’une des petites applications ludiques des (nombreuses) possibilités offertes par Google Maps. Ici le but est de confronter votre connaissance des contours des pays en reconnaissant ceux qui sont proposés et en les repositionnant correctement sur la carte. Attention, l’échelle de base n’est pas respectée.
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Nicolas Patte
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