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2013 : et les paywalls devinrent la norme. Ou pas.

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2013 : et les paywalls devinrent la norme. Ou pas.

Le nombre de médias mettant en place des systèmes d’abonnement pour accéder au contenu se multiplient. Aux Etats-Unis, fin août 2012, mashable indiquait que plus de 20% des quotidiens papier avaient mis en place un paywall. Aujourd’hui, ce taux a dépassé les 30% – voici la liste des titres concernés.
Si en France nous n’avons pas de ratio, le paywall est l’un des casse-tête préféré des directions de journaux.

Le fait est que depuis leur arrivée sur le web, les médias toujours ont essayé de faire payer quelqu’un. Les annonceurs, les lecteurs, les moteurs de recherche, les trois. Jusqu’ici l’équation ne tombait pas juste.

Aujourd’hui, le web perd son péché commercial originel, à savoir la gratuité du contenu

La faute (?) à :

  • une offre de contenu trop importante. L’infobésité, indigeste, nous pousse dans les meilleurs restaurants, ceux qu’on connait, voir les plus réputés pour ceux qui ont un peu plus de sous (ou de goût). En Asie, les échoppes à tous les coins de rue permettent de boire un rapide bol de soupe, mais pour des plats de qualité, on vous recommandera quelques bonnes adresses.
  • le passage du navigateur aux applications – un vieux sujet, exposé en 2010 sur owni. Les smartphones, outils mobiles, pervasifs et magiques, ont lesté notre poche. Ils l’ont trouée, aussi. On paie en petite monnaie, par virement de 79 cents ou 3,99 euros. L’arrivée des appstore sur les ordinateurs ne font qu’élargir le trou.
  • l’arrivée du sheap commerce. Le sheap commerce ? Ne cherchez pas ailleurs, j’invente le terme 😉
    Le sheap commerce, c’est la récupération gratuite ou « presque pas » payante de menus objets ou applications qui 1. ne coûte pas cher (cheap) 2. définisse votre appartenance à un groupe / troupeau (sheep) en fonction de vos cercles d’influence – famille, potes, écoles, boulots. Pourquoi ? Avoir des sujets de conversations communs. « T’as vu l’appli de La Provence ? » « Nan, qu’est-ce qu’elle a ? » « T’as les résultats de l’OM en direct ! »
  • la fin de la courbe en S d’adoption du web / mobile. L’ère de la découverte du web par le grand public est terminé, les usages sont adoptés. Ils muteront, probablement, mais l’évangélisation est faite.
  • Du côté des médias, les essais des uns et des autres connaissent parfois des réussites étonnantes deçi [piano en Pologne] delà [groupe de presse locale aux US] ont fini leur bouillonnement.
  • Le freemium s’impose sur les contenus, comme il s’est imposé depuis longtemps déjà dans l’univers du logiciel et qu’il semble le devenir en musique – cf spotify et deezer. D’ailleurs, des médias comme Le Soir se lance dans une commercialisation à la Spotify.

 

Les nombreux risques du paywall

Pendant une longue période – plusieurs années – le modèle économique, déjà fragile, sera bouleversé. La graphique ci-après du New York Times date de février 2012, certes. Mais en se penchant sur les résultats financiers du 3ème trimestre 2012 publiés le 25 octobre, nous voyons deux choses
– les chiffres d’affaire issus de la pub print ont baissé de plus de 10%, ceux de la pub digitale de 2,2 % par rapport à 2011 (page 2-3)
– le chiffre d’affaire global du New York Times a baissé de 0,4% par rapport à 2011. La raison : -9,7% pour la pub, tandis que les ventes (print + digital) ont augmenté de 9,3%. (page 7)

Intéressante subtilité dans le communiqué de presse : il n’est nul part indiqué le chiffre d’affaire généré par les abonnés digitaux. De là à dire que la plupart ne paient pas ou prou d’abonnement en raison d’offres promotionnelles permanentes, il n’y a qu’une supposition. De mauvaise foi, certes, mais tout de même ^^

La courbe orange des revenus globaux continue de baisser, donc, près de deux ans après le lancement du paywall.

 

Source : CommonWealth magazine à propos du changement de modèle économique du New York Times

 

On s’arrache toujours les cheveux à proposer du contenu dit « de qualité ». Ce qui suppose deux choses
– que le contenu produit sur le web ne l’est pas. A voir, mais ce serait dommage…
– que le contenu produit sur le print ne l’est pas non plus. En tout cas, qu’il ne répond pas aux critères de qualité « numérique ». Pour le coup, c’est vrai.

Alors quoi, il faut produire autre chose ? C’est ce que tente Le Soir avec son édition de 17 heures (interview de Philippe Laloux à venir). Sinon, il faut savoir prendre le temps, comme ce que propose l’éditeur de USA Today, Larry Kramer « We’re not unique enough to charge for web access« .
Le paywall nécessité une écriture spécifique, de nouvelles formulations, qui comme l’indique RSNL ne sont pas forcément très heureuses. Si la logique est compréhensible – on ne donne pas une info, on tease sur le gratuit – elle est potentiellement néfaste pour le lecteur.

Un paywall, ce n’est pas seulement des articles payants. C’est, comme l’indique Tomas Bella, CEO de Piano, la solution utilisée notamment en Pologne par nombre de journaux

– une expérience utilisateur.
– une analyse mathématique du contenu à proposer en payant
– un suivi statistique en temps réel, afin de décider quel sujet pourrait faire sauter le paywall – ou y rentrer.
– du marketing, et encore du marketing.

Tous ces points sont profondément liés, aussi croire qu’un paywall fonctionnera une fois la solution technique mise en place est un leurre. il faut construire une offre éditoriale, bâtir un outil qui va de la décision éditoriale au tracking par utilisateur, et développer une offre commerciale qui est du sens dans un univers numérique. Notez qu’outre les médias, des blogueurs se la pose aussi...

Ca se passe comme ça chez vous ?

Photo en Une trouvée sur  flickr :  Certains droits réservés par Fuschia Foot

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Cedric
6 Comments
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  • 8 décembre 2012 at 21 h 56 min

    Super article Cédric,

    Je n’avais pas envisagé l’argument sociétal, du sheap-commerce. Faire comme sa tribu et donc s’équiper pour avoir l’appli que tout le monde a déjà. Bien vu.

    Le succès des paywalls tient peut-être en partie au comment, sur quels articles, combien… Mais il tient à la proposition de valeur diantre !

    Il faut recréer un service global qui apporte une valeur ajoutée de vie suffisante ! L’info, aussi qualitative soit-elle, n’y suffira pas. Economiser de l’argent, oui (ventesprivées), Rencontrer des gens pour le sexe, oui (meetic etc.), trouver un bon job plus facilement, ok (Linkedin)…

    Les journaux doivent se replacer dans cette position de « guide de vie » et reconquérir des pans entiers de services. Ils ont pour eux l’indépendance, ce qu’une appli comparative Leclerc n’aura jamais, par ex.

    Pas de paywalls sur le web, avant de nouveaux services. Par contre, pourquoi pas des applis payantes à pas trop cher sur mobiles et tablettes. A condition que le service proposé ne soit pas dégradé par rapport au web (ex : moins d’archives sur l’appli !)

    Enfin, il y a un secteur qui doit retenir l’attention des journaux : c’est la télé sur le web. Avec la tv connectée et l’explosion de la 4G via les mobiles, il faut vite se positionner sur Youtube, mais aussi sur la TNT etc. Ce qu’a bien compris l’Equipe, ou Marmiton (qui d’un service repart verticalement dans l’autre sens : en créant un mag papier + une chaîne TV web…)

    Seuls les groupes présents à 360% sur tous les supports, avec le navire amiral télévisuel s’en sortiront sur le plan des revenus pub. Intégration supports, diversification, innovation…

    A+++ Kom’rade, toujours plaisant de te lire !

    Cyrille

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